De nombreuses associations et deux syndicats agricoles réclament une "réorientation" de la PAC
L'initiative peut sembler paradoxale. Alors que Jacques Chirac a obtenu un report de la réforme de la politique agricole commune (PAC), que la Commission européenne souhaitait au contraire accélérer, une "campagne pour une réorientation immédiate de la PAC" a été lancée, jeudi 12 décembre, par un collectif réunissant plus d'une centaine d'associations de consommateurs, de défenseurs de l'environnement, et de solidarité avec les pays du Sud. Deux syndicats agricoles, dont la présence côte à côte était inédite, sont aussi signataires : la Confédération paysanne et les Jeunes Agriculteurs (JA, ex-CNJA), alliés traditionnels du syndicat majoritaire, la FNSEA.
Cette audace a presque éclipsé le message général. La FNSEA, qui n'a pas du tout apprécié l'initiative des jeunes, déclare que "rien ne change dans -leurs- relations". Les JA assurent appartenir "à la famille syndicale de la FNSEA". Au vu des réactions indignées à cette association, jugée contre nature, un communiqué a même été diffusé, vendredi 13 décembre, par les JA. S'ils restent signataires, ils ne s'associeront pas à la communication sur le texte. Pour les aînés de la FNSEA, les amis de José Bové restent infréquentables. Par ailleurs, pour le syndicat majoritaire, il ne doit pas y avoir de réforme de la PAC avant 2006. "On vient juste de sortir de l'étau, ce n'est pas le moment de commencer à faire des déclarations", explique-t-on.
Les signataires, satisfaits d'avoir échappé à la réforme proposée par l'Europe, mettent sur la table d'autres propositions. Ils demandent une PAC qui garantisse, "en Europe et dans le monde", "le droit à la souveraineté alimentaire et le respect des agricultures paysannes, des prix rémunérateurs et des emplois pour les paysans, une nourriture saine et accessible à tous, la préservation de l'environnement, des ressources et du milieu naturel".
Contre l'alignement à la baisse des prix payés aux producteurs sur le prix mondial, les signataires proposent des "prix rémunérateurs" (correspondant au coût de production), assortis d'une protection du marché européen vis-à-vis des importations et de la constitution d'autres espaces sur la planète, eux aussi protégés.
Limiter les quantités produites est indispensable, selon ce raisonnement. "La maîtrise de la production, ce n'est pas forcément de la jachère, mais produire ce dont on a besoin, pas ce que l'on a en trop. Nous avons trop de blé, que nous exportons, et pas d'oléoprotéagineux, que nous importons. Les productions peuvent être orientées par les prix fixés au niveau européen", explique François Vanier, agriculteur installé dans la Beauce. Autre message : l'Europe doit renoncer aux subventions à l'exportation qui déstabilisent les économies du Sud.
M. Vanier sait que ce projet semble utopique, en France, en Europe et sur la scène internationale. Les négociations à l'OMC ont pour objectif la fin de tous les obstacles à la libre circulation des biens. "Certains pensent qu'il faut gagner du temps et sauver le plus d'aides possible. Moi, j'ai encore trente ans à faire, et je ne tiendrai pas dans ce système", explique M. Vanier.
Gaëlle Dupont
Partager | |||
Google + | |||
Messenger | Blogger |